Dans l’état actuel de documentation disponible, la photographie la plus ancienne du système de clôture du camp spécial nazi date des années 1960/1970. Celle-ci démontre que l’ensemble actuel a été profondément modifié lors des travaux de mise en valeur du site au début des années 1970. Seuls les deux poteaux métalliques verticaux qui maintiennent le portail semblent être d’origine (fin du XIXe siècle) ou appartenir à réaménagement postérieur à mettre éventuellement en relation avec le Centre de Séjour Surveillé qui y était installé en 1944-1946.

Les grilles, correspondent à des grilles métalliques qui protégeaient initialement le fossé périphérique bastionné, ont été rajoutés entre 1970 et 1972.

Un panneau en 1943-1944 ?

La principale problématique est de savoir si un panneau de signalisation existait pendant l’utilisation du Sonderlager du fort de Queuleu entre 1943 et 1944. Les réflexions autour de cette question sont inexistantes dans la bibliographie publiée jusqu’à présent sur le fort. De même, les témoignages apportent très rarement des informations sur les extérieurs du camp car les prisonniers arrivaient généralement les yeux bandés, passaient la majeure partie du temps enfermés les yeux bandés et ne pouvaient pas sortir de leurs cellules. Il est donc difficile de savoir s’il existait une signalétique de ce type au Sonderlager de Queuleu. La seule mention d’un panneau extérieur se trouve dans le témoignage de Charles Hoeffel (Hoeffel 1946, p. 8) : « Un gros portail en fer, surmonté d’un panneau „SS Sonderlager“, se trouvait à l’entrée du camp. » (« Ein starkes Eisentor, auf dem ein Schild „SS Sonderlager“ hing, war der Eingang zum Lager. »). Le panneau décrit dans ce témoignage est malheureusement difficile à localiser et ce dernier pourrait plutôt se situer au niveau du portail métallique principal du fort à proximité du poste de police. Les photographies prises à cet endroit démontrent l’installation d’un panneau entre 1941 et 1945/1946 (?) qui pourrait correspondre à ce que Charles Hoeffel a décrit dans la première publication concernant le camp spécial de Queuleu.

Les trois versions des  années 1970-1980

A une date encore indéterminée, vraisemblablement au début des années 1970, un panneau en bois a été installé au-dessus du portail d’entrée à la Caserne II. Celui-ci a connu au moins trois états : deux sur fond noir et un troisième sur fond brun qui le surplombe encore. Pour les deux premiers états, la documentation disponible à ce jour ne permet pas de les dater avec certitude.


1. SONDERLAGER
FESTE GÖEBEN

    FORT DE QUEULEU CASEMATE ‘A’ CAMP DE CONCENTRATION 1943-1944

Datation :         Vers 1970 ?

Matériaux :       Trois niveaux de planches de bois assemblées horizontalement, fond noir et lettres blanches

Conservation :  Conservé dans le dépôt du fort de Queuleu

Remarque :      On note la présence d’une faute d’orthographe car les trémas du « O » sont incompatibles avec un « OE » en allemand

2. S.S. SONDERLAGER FESTE GÖBEN

    FORT-QUEULEU CASEMATE ‘A’ CAMP DE CONCENTRATION 1943-1944

Datation :         Vers 1970/1980 ?

Matériaux :       Trois niveaux de planches de bois assemblées horizontalement, fond noir et lettres blanches

Conservation :  Non conservé

3. S.S. SONDERLAGER FESTE GÖBEN

    FORT DE QUEULEU CASEMATE “A” CAMP DE CONCENTRATION 1943-1944

Datation :         Vers 1990 ?

Matériaux :       Deux panneaux de bois MDF assemblés horizontalement sur une armature métallique, fond brun et lettres blanches

Conservation :  En place au dessus du portail d’entrée du Sonderlager


La version de 2016

A partir d’une étude historique, un nouveau modèle de panneau plus plausible d’un point de vu historique a été proposée.

Un des rares panneaux de Sonderlager qui soit encore conservé est celui de Hinzert (Allemagne, Rhénanie-Palatinat) qui fonctionna entre octobre 1939 et mars 1945. Ce dernier est réalisé sur un fond noir, les lettres blanches et la police runique a été utilisée pour « SS ». Même s’il s’agit d’un panneau lié au fléchage de l’accès au camp, ce dernier témoigne de l’utilisation d’une police de caractère blanche sur fond noir.

Hormis la police runique de « SS », une police gothique (Fraktur) est attestée sur plusieurs photographies prises en 1941 au niveau des entrées du fort de Queuleu (poste de police et poste de garde), quelques années avant l’installation du Sonderlager en octobre 1943. Cette police gothique attestée sur les documents d’archives a été utilisée pour le nouveau modèle de panneau du Sonderlager de Queuleu. La typographie « Goeben » a été préférée à celle « Göben » car les documents d’archives démontrent que c’est celle qui avait été utilisée.

Pour des raisons pédagogiques, la traduction en français et les dates d’utilisation du camp ont été conservées même si ces éléments historiques en langue française ne pouvaient pas être présents sur un panneau allemand au cours du conflit. Comme la Caserne II n’a jamais été un camp de concentration dans l’organigramme fonctionnel de la répression nazie pendant la Seconde Guerre Mondiale, cette dénomination, utilisée sur le panneau actuel a été abandonnée. La bonne traduction française de « Sonderlager » en « camp spécial » a été utilisée. Cette erreur historique, liée à un « abus de langage » des anciens internés, est liée au fait que ces derniers qui y avaient souvent vécu leur plus terrible expérience d’internement, généralement plus marquante que leur passage en camp de concentration. Ce ressenti est à mettre en relation avec la très grande violence du traitement et la privation totale de liberté.

La dénomination « Casemate A » n’a pas été utilisée car celle-ci est apparue dans les années 1970 sur les premiers plans mémoriaux du site. Aucun document allemand et français antérieur au second conflit mondial ne mentionne « Casemate A ». La dénomination avec des lettres des différents bâtiments du site est quant à elle apparue lors de l’utilisation par l’administration française du fort en Centre de Séjour Surveillé entre 1944 et 1946.