Amélie NICKLAUS BEHR (1922-2017) : Amélie Nicklaus est née le 17 avril 1922 à Sarreguemines (Moselle), Amélie Nicklaus est dans sa dix-huitième année lorsque la Seconde Guerre Mondiale éclate. Fin 1942, elle épouse Charles Behr. Son parcours pendant le conflit est indissociable de l’affaire Schoving-Scherer-Borgmann.

Entre septembre et novembre 1943, Jean Schoving et Alphonse Scherer, agents extérieurs rémunérés de la Gestapo, prennent contact dans la région de Sarreguemines avec une organisation de résistance liée à la fabrication de faux-papiers destinés aux réfractaires à l’incorporation dans l’armée allemande et à leur passage en France. Ils se font passer pour des passeurs affiliés à l’Intelligence Service. La Gestapo a en effet appris que le cerveau de ce groupe est un civil allemand dénommé Karl Borgmann qui travaille pour Service de renseignement britannique de Londres et le Service de renseignement suisse de Berne. Ce dernier, travaille pour une compagnie internationale à Hambourg er réside à Sarreguemines. Antinazi, il tisse des liens dans la région et développe une organisation de faux papiers acheminés depuis Strasbourg et Metz, puis distribués aux insoumis Mosellans. Pour ne pas compromettre la mission des infiltrés, la Gestapo ne réalise pas d’action contre ce groupe pendant l’opération menée par les deux individus. Pendant plus de trois mois, les deux traitres à la solde des nazis multiplient les contacts avec les différentes ramifications du réseau et se proposent de participer à des passages comme gage de confiance. Jean Schoving utilise même sa propre camionnette pour passer les évadés. L’époux d’Amélie, Charles Behr, réfractaire à l’armée allemande doit passer la frontière grâce à ce réseau avec Jean Nicklaus et René Schroeder, tous les trois déserteurs de l’armée allemande. Cependant Charles Behr et Jean Nicklaus ne sont pas arrêtés car ils n’ont pas attendus le rendez-vous d’Alphonse Scherer et ont passé la frontière de la Moselle annexée par leurs propres moyens. Avaient-ils senti quelque chose ? Jean Schoving utilise les mêmes méthodes. En réalité, après avoir conduit les insoumis à Nancy, ils sont arrêtés par la police allemande. Les deux infiltrés essayent d’étendre leurs contacts et entrent par exemple en relation avec l’abbé Charles Laurent à Willerwald, près de Sarralbe, pour l’inviter à travailler avec l’Intelligence Service. Dans certains cas, les infiltrés demandent aux réfractaires de leur indiquer d’autres noms de candidats à la fuite. La société Lorema sert de couverture. Le patriotisme des réfractaires est excité et de fausses fiches de renseignements de l’Intelligence Service sont remplies par les réfractaires. Ces derniers alimentent involontairement un faux réseau de résistance et abondent la Gestapo en renseignements. Les résistants de Sarreguemines ne se doutent de rien. Le 15 octobre 1943, l’aviateur canadien Russel Norton qui avait été hébergé chez le couple Behr est arrêté. Estimant qu’elle dispose d’assez d’information, la Gestapo décide de mener un vaste coup de filet. Amélie Behr est alors arrêtée le 30 novembre 1943 lorsque la Gestapo lance cette opération qui se prolonge jusqu’au 31 décembre. Quarante-neuf personnes sont arrêtées. Alphonse Scherer sera plus tard décoré par les nazis pour le résultat de cette action.

Après avoir été regroupés sur Sarreguemines, les personnes arrêtées, pieds et mais liées et yeux bandés, sont acheminées en camion militaire sur Metz, direction le sinistre Sonderlager (camp spécial) de Queuleu. Le camion fait tressaillir les planches de la passerelle du fort de Queuleu puis s’arrête. Amélie se rappellera toujours de ce son. Les femmes et les hommes sont descendus du véhicule. Un bruit de ferraille et de clés, une lourde porte s’ouvre, on range les prisonniers en file indienne, avant de descende les escaliers. Le froid est glacial. C’est le début de la descente aux Enfers… Les prisonniers ne sont plus que des numéros. Le règlement est très simple : un SS baïonnette au canon se trouve dans la cellule jour et nuit, interdiction de parler et de lever le bandeau sur les yeux, lever à 6 heures et coucher à 21 heures. Le reste de la journée attendre assis sur des bancs sans rien faire. Demander la permission pour se gratter, pour se moucher, pour attraper ses puces, pour faire ses besoins naturels… Amélie y subit les interrogatoires musclés et les brimades de la Gestapo pendant dix-huit jours. Le motif d’inculpation est le consentement de désertion de son époux (Billigung der Fahnenflucht).

Amélie Behr est finalement libérée le 18 décembre 1943 car Alphonse Scherer indique à la Gestapo que celle-ci ne savait rien de la désertion de son mari. Elle doit cependant engager une procédure de divorce à ses frais. Sous la pression de la Gestapo, elle promet de ne pas révéler ce qu’elle a vécu au fort de Queuleu, ce qu’elle respecta.

Sur les 1600 à 1800 prisonniers qui passèrent par l’enfer de Queuleu, rares sont ceux qui ont pu en sortir libre : la destination finale étant les geôles nazies, les camps de la mort ou la peine de mort. Amélie fait cependant parti des 42 prisonniers qui ont été libérés du camp de Queuleu faute d’éléments à charge, pour des raisons médicales ou à la suite d’interventions extérieures. Des quarante-neuf personnes arrêtées, quatre déserteurs sont remis à l’autorité militaire et vingt personnes sont transférées sans procès en camp de concentration. Quatorze sont maintenues en détention en Moselle mais libérées comme Amélie faute de preuves suffisantes. Huit seront jugées par le Tribunal du Peuple à Berlin le 21 novembre 1944 pour crimes d’intelligence avec l’ennemi et trahison. Au final, le bilan est lourd dans cette affaire car dix personnes trouvèrent la mort dans les camps de concentration.

Après sa libération, Amélie rejoint sa famille où elle peut enfin prendre un bain. Ses vêtements en loques, la crasse, la fatigue en ont probablement dit assez à son entourage. Elle ne révèlera rien sur ce qu’elle a vécu. Ce silence perdurera après la guerre car Amélie restera très discrète sur cet évènement.

Mais quelques mois plus tard, le 10 juillet 1944, Amélie Nicklaus Behr est de nouveau arrêtée encore en représailles de la fuite de son mari vers la France pour se soustraire à l’incorporation dans la Wehrmacht. Elle est écrouée à la prison de Sarreguemines sous le numéro 436/44 jusqu’au 2 septembre 1944, quelques mois avant la libération de la ville. Elle aura passé 54 jours en détention.

Après la guerre, elle a obtenu le titre de déporté-résistant en 1955 et était décorée de la Légion d’honneur.

Amélie Niklaus Behr est décédée à Metz le 18 avril 2017.


Sources :

-Cédric Neveu, La Gestapo en Moselle. Une police au cœur de la répression nazie, Éditions du Quotidien, Strasbourg, nouvelle édition 2015.

-Philippe Wilmouth, Cédric Neveu, Les camps d’internement du Fort de Metz-Queuleu 1943-1946, A. Sutton, Saint-Cyr-sur-Loire, 2011.

-Archives familiales.

-Archives de l’Association du fort de Metz-Queuleu.